La plateforme Racing Master
L'histoire de cette plateforme démarre en 1980 pour Tamiya, un à deux ans plus tôt dans l'histoire de la RC (notamment sous l'impulsion de Kyosho et Associated). Historiquement, la RC des années 70 est d'abord thermique et à l'échelle 1/8ème aussi bien pour les modèles piste que les buggys. En résumé, des modèles assez gros, donc assez lourds, propulsés par des moteurs thermiques capricieux, eux aussi assez gros et lourds car ils doivent offrir suffisamment de puissance pour déplacer ces engins.
La miniaturisation des composants (radio notamment), les progrès dans les packs d'accus et le recours à des moteurs électriques qui équipent les imprimantes matricielles de l'époque vont permettre l'émergence d'une nouvelle catégorie qui va littéralement régner sur la RC de la première moitié des années 80, avant d'être éclipsée par l'essor des buggys électriques. Cette catégorie est à l'échelle 1/12 et exclusivement dédiée à la piste : les châssis sont aussi basiques que possible de manière à obtenir des modèles les plus légers possibles... et des performances tout à fait bluffantes en termes de vitesse et de réactivité pour l'époque. Car à l'époque, la référence c'est le thermique : des modèles gros, lourds, qui peuvent rouler vite mais qui ne sont pas très nerveux.
Pour ses débuts en RC, Tamiya utilise l'échelle 1/12 mais avec des carrosseries issues du monde de la maquette, donc fragiles, en plastique (ABS) et assez lourdes. En réalité donc, c'est l'échelle des carrosseries qui détermine celle du châssis, et certainement pas la volonté de Tamiya de positionner ses modèles sur le segment Pan-Car 1/12. Par la suite, Tamiya développe une première ligne de châssis plus adaptés à la course, mais il s'agit de Formule 1 à l'échelle 1/10 : toujours pas de quoi participer à cette catégorie Pan-Car 1/12 qui attire de plus en plus de public.
Mais dès 1980, Tamiya va décider de participer à la fête Pan-Car en lançant le modèle 58021 Can-Am Lola (Racing Master). Ce sigle Racing Master est le nom de la série de modèles dédiés à cette catégorie, et au passage, il souligne les ambitions de Tamiya en la matière.
58021 Can-Am Lola RM Mk.1 (1980)
58022 Datsun 280ZX RM Mk.2 (1980)
Dessin du Racing Master Mk.1 sur la boite
Le châssis Racing Master Mk.1
Vu du dessous
Pour une première dans cette catégorie, Tamiya multiplie les nouveautés, preuve d'un engagement fort :
- 1er moteur "option" de l'époque, le Mabuchi Black RS-540SD
- géométrie de la direction entièrement réglable
- différentiel en métal (aussi solide que lourd) avec effet auto-bloquant
- kit livré entièrement sur roulements à billes (une fortune, et une première à l'époque)
Malheureusement, Tamiya a voulu trop bien faire : le châssis s'avère beaucoup plus complexe et surtout beaucoup plus lourd que ceux de la concurrence qui mise avant tout sur la simplicité. Sans oublier que toutes ces innovations ont un impact sur le prix du modèle : environ 2 fois plus cher que la concurrence. Cette volonté des designers de Tamiya de "marquer le coup" avec des châssis très travaillés pour imposer un modèle comme référence dans une catégorie se retrouvera à plusieurs occasions dans l'histoire de la marque, rarement avec des résultats concrets et probants au premier essai.
Le Racing Master 2 est la version économique du premier : il se contente d'un Mabuchi 540, d'un différentiel en plastique (nettement plus léger mais moins résistant) et sans roulement à billes. Très clairement, Tamiya positionne son premier Racing Master comme un modèle de compétition alors que le second est définitivement orienté vers un public beaucoup moins élitiste.
Il existe des points communs entre ces châssis Racing Master et le châssis F1, notamment au niveau de la plaque d'epoxy qui constitue le châssis en lui-même ainsi que l'implantation de la cellule de transmission. La parenté n'est pas directe et s'il fallait considérer un lien entre ces deux châssis, alors le Racing Master 1 serait un cousin lointain et plus petit du châssis F1 Competition Special.
Deux ans plus tard, Tamiya sort la version 3 du châssis Racing Master, suivie quelques mois plus tard de la version 4 :
58032 Tornado RM Mk.3 (1982)
58033 Ford C100 RM Mk.4 (1983)
Châssis Racing Master Mk.3
Châssis Racing Master Mk.4
Depuis la sortie du premier Racing Master, les Pan-Car 1/12 sont encore plus populaires qu'avant et encore plus de fabricants ont investi la catégorie. Tamiya a appris de ces erreurs avec la première version : le nouveau châssis a été beaucoup simplifié et surtout, il est beaucoup plus léger que le précédent. Le train avant reprend le design plus simple des versions Competition Special du châssis F1 et la cellule arrière subit également un régime drastique. D'une certaine façon, la version 3 semble davantage une régression qu'une innovation, mais de fait, elle correspond bien davantage à ce qui est pratiqué dans la catégorie.
Quant à la version 4, le principe est le même que sur la génération précédente : on enlève le Black Motor et on le remplace par un 540 standard pour réduire les coûts et proposer une version économique. Au passage, le Racing Master Mk.4 reçoit une carrosserie en ABS, ce qui alourdit à la fois la facture et le poids total du modèle de 200gr environ (soit 20% du poids du modèle).
Deux années s'écoulent, puis Tamiya sort successivement les versions 5, 6 et 7 de son châssis Racing Master : on ne le sait pas encore, mais il s'agira des dernières.
58042 Porsche 956 RM Mk.5 (1984)
58052 Porsche 956 RM Mk.7 New Man (1985)
Châssis Racing Master Mk.5
Châssis Racing Master Mk.6
Châssis Racing Master Mk.7
Encore une fois, il s'agit d'un design entièrement nouveau qui introduit une double platine FRP ainsi qu'un système de suspension plus efficace que la simple flexion des plaques d'epoxy du châssis. Ce principe d'amortisseur sera d'ailleurs repris l'année suivante sur le châssis Formula du Road Wizard. Tamiya réintroduit également une direction qui autorise de nombreux réglages, principe qui avait été abandonné sur la génération précédente. Le châssis Racing Master en versions 5, 6 et 7 s'avère particulièrement rapide et performant bien que fragile en cas de choc. Quant aux carrosseries particulièrement réussies mais aux porte-à-faux avant et arrière très prononcés, elles ne résistaient pas longtemps aux chocs.
Nous sommes en 1985, l'époque où les buggys envahissent le marché de la RC en monopolisant l'attention et la passion du public jusqu'à la fin des années 80, et donc celle des fabricants. Soudainement, c'est la quasi extinction de la catégorie Pan-Car 1/12 : beaucoup de fabricants spécialisés dans cette catégorie disparaissent car on ne reparlera plus vraiment de modèles piste avant 1990.
Et le temps passe... jusqu'en 2011 quand Tamiya dévoile son nouveau châssis Pan-Car 1/12 à la surprise générale : le RM-01. L'acronyme contient bien évidemment la référence à la légendaire série Racing Master des années 80, mais pour que cela soit évident pour tout le monde, Tamiya enfonce le clou en proposant les deux premiers modèles avec des carrosseries de l'époque. Mieux encore, le premier modèle qui inaugure ce nouveau châssis n'est présenté que sous forme de boxart sur les catalogues et sites internet de la marque.
58509 Toyota Tom's 84C (2011)
58521 Porsche 956 New Man (2012)
58555 Le Mans Mazda 787B No.18 (2012)
Châssis RM-01 vu du dessus
Châssis RM-01 vu de côté
84335 RM-01X (2013)
Difficile de savoir si ce châssis est un succès commercial et s'il a permis de relancer la catégorie Pan-Car 1/12 quelque part dans le monde. A ma connaissance, ça ne semble pas (encore ?) le cas en Europe. Néanmoins, Tamiya ayant sorti une première évolution du châssis en 2013 (celle qui introduit le Pillow-Ball-Rear-Link repris sur le F104 vII), il semblerait donc que le développement continue, ce qui tendrait à signifier que le châssis a trouvé son public.
Conclusion sur la série Racing Master
Catégorie reine de la première moitié des années 80 avant de disparaître face à l'engouement pour les buggys, les Pan-Car 1/12 étaient des modèles basiques mais très performants grâce à leur faible poids. A l'époque, la majorité des modèles roulaient sur la plus proche surface d'asphalte disponible, souvent les parkings de magasins, et montraient rapidement leurs limites à cause de la poussière et des gravillons. En club, ces modèles étaient de véritables bêtes de compétition grâce à la qualité de revêtement des pistes, mais surtout, les Pan-Car 1/12 étaient les modèles les plus performants et les plus rapides de l'époque.
La série développée par Tamiya pour cette catégorie a duré aussi longtemps que les Pan-Cars 1/12 ont eu les faveurs du public, avant de s'éteindre et de disparaître de la gamme. Il est intéressant d'analyser cette série avec quelques décennies de recul car elle montre pour la première fois comment Tamiya propose un châssis en réponse à un marché déjà existant. Très clairement, la Can-Am Lola RM Mk.1 révèle deux choses intéressantes : en premier, la capacité de développement des designers qui ont conçu un châssis beaucoup plus innovant et beaucoup plus travaillé que tout ce qui avait été vu auparavant. En second, l'inadéquation de ce niveau de développement avec les attentes du marché, qu'il s'agisse de la complexité technique du châssis comme du prix du modèle. Le reste de la série dévoile d'autres faits marquants : la volonté de Tamiya de proposer à la fois du haut de gamme à la pointe de la technologie et des performances (Can-Am Lola) et de l'entrée de gamme accessible au plus grand nombre (Datsun 280ZX). Egalement, une capacité à réajuster le développement d'une série de modèles à la fois en fonction du marché et des erreurs commises précédemment (la Tornado RM Mk.3 qui gomme les excès techniques et tarifaires de la Can-Am Lola). Enfin, la troisième génération (Mk 5, 6 et 7) représente la maturité et l'aboutissement de la série avec des châssis à la fois compétitifs et innovants (maîtrise des platines en FRP et du plastique alors que les autres fabricants peinent encore à abandonner le couple métal-epoxy). Malheureusement, il est trop tard : à partir de 1984-85, le marché de la RC s'oriente massivement vers les buggys.
La catégorie Pan-Car 1/12 n'a jamais cessé d'exister pour autant : elle est seulement devenue plus confidentielle et plus spécialisée, comme d'autres marchés de niche en RC, à l'instar des travaux publics ou des chars dans un autre registre. Aujourd'hui, le Pan-Car est une catégorie de spécialistes qui compte relativement peu de pratiquants, avec un matériel spécifique (châssis, pneus accus, contrôleur) et exigeant un pilotage assez particulier (très technique). Néanmoins, il semblerait que la catégorie rassemble des passionnés qui ont su conserver un esprit assez proche de celui des origines de la RC, quand les pilotes étaient majoritairement moins égoïstes et que l'entraide prévalait davantage, en particulier auprès des débutants.
C'est ce marché de niche que Tamiya rejoint à nouveau 25 ans après l'avoir quitté. Difficile de dire s'il s'agit d'un véritable renouveau de cette catégorie qu'Associated et Kyosho n'ont jamais abandonnée, ou s'il s'agit d'une nouvelle diversification pour Tamiya. Dans tous les cas, l'approche de Tamiya est intéressante : un nouveau châssis proposé avec des carrosseries qui évoquent sans doute possible les heures de gloire du Pan-Car dans les années 80. Surprenante et décalée, cette stratégie est néanmoins séduisante. D'autant qu'il semblerait que le RM-01 n'ait pas été "trop travaillé" comme cela avait été le cas du Racing Master Mk.1, et que l'évolution RM-01X permette au châssis de se rapprocher des meilleures performances de la catégorie.
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