"Shakey" Roop
Parmi les héros de cette glorieuse époque, "Shakey" Roop fait figure d’exception : sans doute un peu passé à côté de sa carrière et loin d’être le plus célèbre d’entre eux, c’est un des personnages les plus attachants qui nous livre aujourd’hui son témoignage à propos d’une époque révolue.
Nom : |
Roop Shakey 58061 Striker (1987) |
"Shakey" bonjour, merci d’avoir répondu à notre appel après toutes ces années. Peux-tu nous résumer ta carrière en quelques mots ?
"Shakey" Roop : Bonjour BaraToZ. Ma carrière a débuté vers le milieu des années 80. L’écurie Tamiya cherchait des pilotes pour les aider à développer leurs futurs modèles de compétition. A l’époque j’habitais au Mexique et participais aux courses Baja sur un Pickup Ford. Je donnais aussi des cours de pilotage sur monoplace dans une école locale pour arrondir mes fins de mois. C’est alors que le directeur de Tamiya m’appela pour participer au programme Striker. C’était en 1986 et j’avais 26 ans.
Quelles furent les spécificités de ce programme ?
"Shakey" Roop : Le cahier des charges était simple : transposer une partie des technologies utilisées en Formule 1 vers un Buggy tout-terrain. C’est le fait que j’ai eu à la fois une expérience de pilote Baja ainsi que d’instructeur de monoplace qui intéressait Tamiya. Néanmoins, il ne s’agissait pas d’un programme prioritaire et le budget de développement était limité. Comme en témoigne la déco de la voiture, nous avions fait développer des pneumatiques spécifiques par BF Goodrich (Cette marque équipait la navette Colombia à l’époque !), les jantes étaient fournies par Jackman et nous utilisions les lubrifiants Penzoils. Le châssis baignoire typé F1 était censé donner plus de rigidité à la voiture et correspondait au système "Hyper Off Road Racer". Bien que les suspensions arrière indépendantes issues du Falcon de "Frantic" Freddie Wilson nous donnaient l’avantage notamment sur les Grasshopper, faute de temps et d’argent, nous n’avons pas eu les moyens ni de développer des suspensions spécifiques à l’avant (nous avions repris celles du Grasshopper) ni d’intégrer des amortisseurs hydrauliques. Ils ne furent montés qu’un an plus tard sur le Sonic Fighter d’E. Whittle.
Shakey, peux-tu nous parler de tes relations avec les pilotes de l’époque ?
"Shakey" Roop : Contrairement à ce que croyaient les fans, les relations étaient tendues. Le marché était concurrentiel et les amateurs nous adulaient une saison, puis nous délaissaient la suivante. Pour l’anecdote lors d’une course sur la pelouse devant la piscine des Martinots j’ai failli en venir aux mains avec Willy qui, comme chacun le sait, est un personnage haut en couleurs, un séducteur voulant toujours voler la vedette et à qui la célébrité a parfois joué des tours. Il faut dire que ma fiancée de l’époque, Vanessa, venait de me quitter pour lui.
Le nombre de volants à pourvoir était limité et rares sont les pilotes à avoir été nommés sur plusieurs voitures comme Willy ou le mystérieux Barf’n Berry. A une époque, j’avais été pressenti pour prendre les commandes de l’extraordinaire Avante mais bien que mes chronos lors des essais étaient meilleurs que les siens, c’est Paranoïd Perry qui fut choisi. J’en ai gardé une certaine amertume, il serait intéressant d’aller l’interroger à ce sujet aujourd’hui.
Promis, je contacterai Paranoïd Perry afin de l’interviewer. Quel regard portes-tu sur ta carrière ? Car même si tu fais bien partie de la légende des "100 premiers" chez Tamiya et que certains fans pensaient que tu étais le plus doué de ta génération, ta carrière n’a jamais vraiment décollé comme celle de Willy, Frank Evans ou Albert Attaboy pour ne citer qu’eux.
"Shakey" Roop : Oh tu sais, c’était il y a bien longtemps. Disons que j’ai à la fois joué de malchance et été pénalisé par les carences du Striker.
Tamiya n’a jamais voulu l’admettre mais cette voiture, censée être une évolution du Falcon et être révolutionnaire pour son époque, comportait de nombreux défauts. Tout d’abord ce châssis baignoire était lourd et avec les packs NiCd, j’avais toujours du mal à tenir l’autonomie. Ensuite, il y a eu ce fameux problème de fiabilité du train avant. Tous les fans se souviennent du fameux accident sur le parking du "Bowling d’en face" qui a vu le train avant se détacher lors de l’impact. Beaucoup m’ont accusé d’avoir voulu trop en faire, mais l’histoire m’a donné raison en montrant que la voiture avait une faiblesse sur ce point.
Cet accident m’a longtemps hanté et a sûrement diminué mes chances de réaliser une grande carrière.
Aujourd’hui tu as 51 ans, t’arrive-t-il encore de piloter ? Envisages-tu un retour en compétition ?
"Shakey" Roop : Rires... Non, après toutes ces années de cascades et de courses, tu sais, je n’ai plus rien à prouver ! De plus aujourd’hui au milieu des monstres à accu LiPo et de ces moteurs Brushless si brutaux et ces châssis si faciles et affûtés, je ne pourrais que faire de la figuration. A mon époque, malgré la faible puissance des moteurs, maintenir les engins sur la piste nécessitait des talents d’équilibriste !
Pour finir, lors de ma dernière sortie au printemps 1989, en prenant le tremplin sur la pelouse chez les Dubouchons, j’ai eu une fracture cervicale qui m’empêche encore aujourd’hui de tourner la tête. Mon casque Simpson m’avait bien protégé mais je n’avais pas d’arceau comme sur d’autres voitures.
Cependant j’entends dire ça et là qu’il s’organise des courses pour les anciens, qui respecteraient la mécanique et l’âge des pilotes. Si on me propose d’y participer, il est possible que le Striker fasse son retour et que votre bon vieux Shakey fasse à nouveau parler la poudre.
Comme au bon vieux temps quoi !
Shakey, un grand merci de nous avoir raconté ces anecdotes et livré un peu de tes secrets.
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