La distribution de Tamiya en Europe
Tamiya a mis en place un réseau de distributeurs exclusifs disposant chacun d'exclusivités territoriales et d'un réseau de magasins partenaires (essentiellement des détaillants spécialisés ou des chaînes spécialisées dans le jouet). Dans les grandes lignes, le métier d'un distributeur consiste à importer les produits (logistique, procédures douanières), les rendre conformes à la législation locale (étiquettes avec traduction des instructions et avertissements de sécurité...), à distribuer les produits auprès d'un réseau de revendeurs et à assurer la promotion (publicité) des produits.
Ainsi, en France et en Belgique, l'exclusivité territoriale a été confiée à T2M tandis que Dickie s'occupe de la distribution en Allemagne notamment. Les autres pays européens sont couverts selon le même principe. L'exclusivité territoriale est un moyen d'éviter une concurrence farouche entre les distributeurs, ce qui possède le double avantage de ne pas provoquer une guerre des prix et d'instaurer des relations commerciales sur le long terme.
Toutefois, il pourrait être très tentant pour un distributeur de vendre à des magasins situés en dehors de sa zone d'exclusivité, de même que les magasins pourraient être tentés de profiter des différences de politiques commerciales (surtout tarifaires) entre les distributeurs pour acheter au moins cher. Dans l'objectif d'assurer une plus grande sérénité entre les distributeurs (et les magasins), Tamiya a mis en place un système qui offre des garanties à tous les acteurs : le dépôt de marque.
En effet, Tamiya Japon est le détenteur de sa marque et de son logo au niveau mondial. Comme toutes les marques ou presque, Tamiya a déposé sa marque et son logo afin de notamment se prémunir des contrefaçons : jusque là, c'est du classique. L'originalité est que Tamiya a autorisé ses distributeurs à déposer sa marque et son logo en leur nom dans le ou les pays sur lesquels ces distributeurs disposent d'une exclusivité territoriale. De fait, la marque et le logo Tamiya sont déposés par T2M en France et par Dickie dans le reste des pays européens. La preuve est librement consultable sur le site de l'INPI (le bureau français de l'enregistrement des marques et des brevets) : j'ai fait une capture de ces informations issues d'une simple recherche sur la marque. Vous pouvez cliquer sur chaque image pour l'agrandir.
Pour les plus attentifs, vous aurez remarqué que les enregistrements de la marque et du logo par les distributeurs n'ont a priori aucun intérêt puisque cela avait déjà été fait au préalable par Tamiya pour le monde entier. Ceci démontre donc que les enregistrements européens peuvent être supprimés à tout moment puisque Tamiya avait déjà réalisé le dépôt initial au niveau mondial auparavant. En pratique, cela signifie que Tamiya peut à tout moment récupérer la propriété de sa marque et de son logo en Europe. En revanche, ces dépôts européens offrent de très sérieuses garanties aux distributeurs européens en plus de démontrer la très grande confiance qui lie Tamiya à ses partenaires.
Conséquences sur l'usage de la marque et du logo Tamiya en Europe
Chaque distributeur possédant les droits sur la marque et le logo dans le pays où il bénéficie de l'exclusivité territoriale de la distribution, les lois sur la propriété des marques font que tout produit présent dans un pays européen doit avoir été importé par le distributeur dudit pays sous peine d'être considéré comme une contrefaçon par la justice. Ici, la notion de contrefaçon est directement liée aux droits sur la marque et le logo : contrefaçon ne signifie donc pas "copie" dans le cas présent mais s'applique au fait que le produit exploite la propriété intellectuelle (la marque/le logo) sans permission du propriétaire des droits (le distributeur). Sur le plan juridique en Europe, un produit authentique Tamiya qui sort d'une usine Tamiya n'est donc un produit de marque Tamiya qu'à partir du moment où le détenteur de la marque Tamiya d'un pays donné a fait entrer ce produit dans le pays où le produit se trouve.
Il faut relire attentivement pour bien comprendre. Nous allons prendre un exemple pratique pour illustrer et mesurer les conséquences de la situation :
- un fan allemand habite en Allemagne et achète ses produits Tamiya dans un magasin allemand qui a acheté les produits chez Dickie => sa collection est authentique
- ce fan allemand vient habiter en France et déménage donc sa collection => toute sa collection Tamiya qui porte la marque Tamiya appartenant à Dickie devient une contrefaçon car elle porte le logo et la marque Tamiya qui appartiennent à T2M en France.
C'est bon, vous suivez encore ? J'aurais peut être dû vous prévenir de prendre un cachet d'aspirine avant d'attaquer la lecture . Et attendez, ce n'est pas fini : voyons maintenant d'autres exemples (plus faciles).
- un fan européen achète un produit Tamiya à Hong Kong => contrefaçon
- un fan français achète un produit Tamiya en Allemagne => contrefaçon
- un magasin français achète un produit Tamiya ailleurs que chez T2M => contrefaçon
- un magasin allemand achète un produit Tamiya ailleurs que chez Dickie => contrefaçon
Et maintenant, essayons d'autres combinaisons (sauf exceptions locales dont je n'aurais pas connaissance) :
- un fan ou magasin américain achète un produit Tamiya à Hong Kong => OK
- un fan ou magasin quelque part dans le monde (hors Europe) achète un produit Tamiya n'importe où (Europe incluse) => OK
Allez, juste pour le fun, je vous en remets trois en supposant à chaque fois que tous les concurrents ont acheté leur modèle dans un magasin de leur pays et que tous roulent avec un modèle Tamiya :
- Championnat du monde partout dans le monde sauf en Europe => aucun problème
- Championnat du monde dans un pays européen (sauf France) => tous les participants européens (sauf français) sont OK. Tous les autres (Français compris) roulent avec des contrefaçons
- Championnat du monde en France => tous les participants français sont OK. Tous les autres participants roulent avec des contrefaçons (lol)
Comment ça c'est complètement absurde ? Relisez très attentivement : ce n'est que de la pure logique ! Les situations présentées en exemple ci-dessus existent en vrai : la logique induite par les lois sur la propriété intellectuelle conduit à des situations inattendues mais pourtant bien réelles au plan juridique.
Sauf que...
Je me demande s'il n'existe pas une notion de "suprématie" de droit dans toute cette histoire. Cela existe au plan européen : une loi votée par l'Europe est plus "forte" qu'une loi en vigueur dans un pays de l'Union, sauf si la loi locale est plus favorable que le texte européen.
Il pourrait donc s'avérer très intéressant de savoir si ce système de protection de la marque Tamiya ne serait pas un leurre au plan du droit. En effet, le dépôt de la marque Tamiya au plan mondial par Tamiya Japon est antérieur à tous les dépôts "nationaux" de T2M et Dickie. On ne peut imaginer un fabricant se laisser potentiellement déposséder de sa propre marque par un partenaire commercial, même s'il s'agit d'un distributeur de confiance depuis des décennies.
Ceci aurait pour conséquence que les revendications de propriété intellectuelle sur la marque de la part des distributeurs nationaux (T2M et Dickie, en l’occurrence) ne résistent pas devant un tribunal car le dépôt de marque au niveau mondial rendrait légitime tout produit de la marque partout dans le monde. En clair, un fan ou même un magasin français ou européen aurait légitimement le droit d'acquérir, de posséder et de revendre un produit Tamiya, peu importe le pays ou auprès de qui le produit aurait été acheté à condition que le produit ait été fabriqué par Tamiya. Ca semblerait parfaitement logique, non ?
Je ne suis pas juriste, alors ne me prenez pas au mot.
Les conséquences pratiques pour les fans européens
Au niveau des achats, il n'y a aucune conséquence pour ceux qui savent utiliser internet pour commander des modèles ou des pièces détachées Tamiya. Pour tous les autres, ou pour ceux qui apprécient d'acheter dans un magasin près de chez eux, cela signifie que le modélisme radio-commandé Tamiya coûte plus cher et que les produits sont disponibles si le distributeur exclusif accepte de les importer (essayez de trouver un TEU-302BK en France pour voir). Quant à la disponibilité des nouveautés, c'est quand les produits arrivent alors qu'ils sont peut être déjà disponibles depuis plusieurs mois ailleurs dans le monde. En exagérant beaucoup, les fans européens ont l'immense privilège de pouvoir acheter une nouveauté qui est déjà presque considérée comme vintage ailleurs dans le monde
Au niveau des conséquences liées à la notion juridique de contrefaçon pour les fans qui possèdent des modèles Tamiya, quel que soit l'endroit où ils les ont achetés, il n'y a aucune inquiétude à avoir non plus : Tamiya et ses partenaires distributeurs en Europe ont heureusement l'intelligence de ne pas revendiquer de manière absurde leurs droits sur la marque. D'autant plus qu'ils n'ont pas des armées d'avocats qui scannent internet toute la journée. En revanche, si vous en faites un business, il est temps de changer de métier...
Au niveau des rencontres et compétitions nationales ou internationales, les situations absurdes voire ridicules que j'ai citées en exemple sont toutes possibles. Dans la pratique, Tamiya et ses partenaires distributeurs ne font pas valoir leurs droits sur la marque de cette manière qui serait ridicule, d'autant plus que Tamiya Japon a la possibilité d'intervenir en dernier recours pour faire valoir ses droits sur la marque au niveau mondial, ce qui coupe court au potentiel problème des enregistrements faits en local par les distributeurs.
Les conséquences pour les sites internet et les forums
Les droits de propriété sur la marque s'appliquent de la même manière dans le monde virtuel. Mais de même qu'avec les fans, Tamiya et ses distributeurs ne scannent pas le net toute la journée à la recherche des sites, forums, pages personnelles et autres vidéos déposées sur des sites comme Youtube. Les publications sur internet sont une forme de promotion, des "vitrines" utiles à la marque et donc aux distributeurs. Dans un cas extrême, si un site ou forum devait nuire à la marque, alors Tamiya ou l'un de ses distributeurs aurait la possibilité d'agir (ou au minimum de forcer la purge des propos offensants). Ce cas de figure est bien évidemment hautement improbable (car d'autres lois notamment contre la diffamation peuvent s'appliquer), mais il demeure possible.
Conclusion
L'objectif de cet article est de vous informer et nullement de vous effrayer : inutile de cacher votre collection parce que vous avez acheté une paire d'amortisseurs ou toute votre collection à l'étranger. La protection légale offerte par le dépôt de marque sert avant toute chose à garantir une régulation harmonieuse de la distribution entre Tamiya, ses distributeurs partenaires et les magasins. Cette protection est également une assurance dans le cas où un professionnel de la chaîne tenterait de tricher : un particulier n'est pas concerné par tout cela dans la pratique. Tamiya et ses distributeurs ont toujours eu une politique bienveillante envers les fans et il n'y a aucune raison que cela change. Mais le système en laisse toutefois la possibilité, ce qui peut même conduire en théorie à des situations dont le ridicule fait sourire